L'affaire de l'esclave Furcy - Mohammed Aïssaoui
Qu'est-ce qui pousse un homme à vouloir s'affranchir ? Qu'est-ce qu'on est prêt à sacrifier pour la liberté, quand on n'en connaît pas le goût ?
En 2005, par une dépêche de l'Agence France Presse, Mohammed Aïssaoui, journaliste au Figaro littéraire, prend connaissance de l'existence des archives de "L'affaire de l'esclave Furcy" lors d'une vente aux enchères à l'hôtel Drouot à Paris. Une centaine de documents poussiéreux, achetés par l'Etat pour la somme de 2100 euros, relate une histoire extraordinaire, celle de Furcy, un esclave de l'île de la Réunion qui décide, un jour d'octobre 1817, de se rendre au tribunal pour exiger sa liberté.
C'est précisément ce procès que raconte le journaliste au travers d'une longue enquête édifiante et passionnante, aux multiples rebondissements. Le livre, paru en 2010, a reçu le Prix Renaudot.
Folio, 215 pages
Nous sommes en 1817, dans l'île Bourbon (future île de la Réunion). Magdalena, indienne illettrée de Chandernagor, et mère de deux enfants, Constance 41 ans et Furcy 31 ans, décède. A sa mort, elle laisse un maigre héritage : une malle pleine de documents. En récupérant cette liasse de papiers, les enfants découvrent avec stupéfaction que leur mère était affranchie depuis vingt-six ans. Furcy prend alors conscience qu'il est né libre. Dès lors, il veut faire reconnaître coûte que coûte son statut d'homme libre auprès de son maître, le puissant Joseph Lory. Mais celui-ci ne l'entend pas de cette oreille, d'autant que son esclave est charismatique, apprécié de tous, instruit même - il avait une place privilégié en tenant les comptes de son maître -. Furcy décide de se rendre au tribunal d'instance de Saint-Denis et dépose une requête auprès du procureur général Gilbert Boucher, secondé par le susbtitut Jacques Sully-Brunet. Ces deux hommes deviendront des alliés inattendus. Pour Lory, cette situation est inacceptable ; il considère la démarche de l'esclave comme subversive et jure qu'il ne le laissera pas faire. En homme influent, il est rapidement soutenu par le plus riche propriétaire sucrier de l'île, le commissaire ordonnateur général Desbassayns de Richemont...
Mon avis : le récit est dynamique et bien écrit. L'auteur a opté pour des chapitres courts, marqués par une narration rythmée et chronologique des événements principaux de l'affaire. Si l'on connaît peu de choses sur Furcy - il n'a laissé que peu de traces dans les archives -, Aïssaoui a su faire revivre pourtant le personnage, plus proche du lecteur.
En 2005, par une dépêche de l'Agence France Presse, Mohammed Aïssaoui, journaliste au Figaro littéraire, prend connaissance de l'existence des archives de "L'affaire de l'esclave Furcy" lors d'une vente aux enchères à l'hôtel Drouot à Paris. Une centaine de documents poussiéreux, achetés par l'Etat pour la somme de 2100 euros, relate une histoire extraordinaire, celle de Furcy, un esclave de l'île de la Réunion qui décide, un jour d'octobre 1817, de se rendre au tribunal pour exiger sa liberté.
C'est précisément ce procès que raconte le journaliste au travers d'une longue enquête édifiante et passionnante, aux multiples rebondissements. Le livre, paru en 2010, a reçu le Prix Renaudot.
Folio, 215 pages
Nous sommes en 1817, dans l'île Bourbon (future île de la Réunion). Magdalena, indienne illettrée de Chandernagor, et mère de deux enfants, Constance 41 ans et Furcy 31 ans, décède. A sa mort, elle laisse un maigre héritage : une malle pleine de documents. En récupérant cette liasse de papiers, les enfants découvrent avec stupéfaction que leur mère était affranchie depuis vingt-six ans. Furcy prend alors conscience qu'il est né libre. Dès lors, il veut faire reconnaître coûte que coûte son statut d'homme libre auprès de son maître, le puissant Joseph Lory. Mais celui-ci ne l'entend pas de cette oreille, d'autant que son esclave est charismatique, apprécié de tous, instruit même - il avait une place privilégié en tenant les comptes de son maître -. Furcy décide de se rendre au tribunal d'instance de Saint-Denis et dépose une requête auprès du procureur général Gilbert Boucher, secondé par le susbtitut Jacques Sully-Brunet. Ces deux hommes deviendront des alliés inattendus. Pour Lory, cette situation est inacceptable ; il considère la démarche de l'esclave comme subversive et jure qu'il ne le laissera pas faire. En homme influent, il est rapidement soutenu par le plus riche propriétaire sucrier de l'île, le commissaire ordonnateur général Desbassayns de Richemont...
Mon avis : le récit est dynamique et bien écrit. L'auteur a opté pour des chapitres courts, marqués par une narration rythmée et chronologique des événements principaux de l'affaire. Si l'on connaît peu de choses sur Furcy - il n'a laissé que peu de traces dans les archives -, Aïssaoui a su faire revivre pourtant le personnage, plus proche du lecteur.
On est fasciné par la lutte courageuse et persévérante de Furcy, son sens de l'honneur, son opiniâtreté et la justesse de son combat. L'auteur reconstitue autant que faire se peut les pièces d'un puzzle. Sa démarche n'est pas celle d'un historien (précise-t-il), mais celle d'un chroniqueur attentif et minutieux. Au contact de toutes les pièces du dossier judiciaire qu'il relate (plaidoiries, correspondances...), l'auteur a su livrer l'émotion ressentie, présentant les conditions indignes des esclaves, cet état de "vie" qui n'aurait jamais dû exister, soulignant avec authenticité tous ceux qui n'ont eu de cesse de défendre la cause de Furcy, à l'instar du procureur général Boucher, homme cultivé, baigné par les Lumières et les idées humanistes de la Révolution française, qui l'a soutenu toute sa vie jusqu'à mettre sa carrière en péril pour un procès où il n'avait rien à gagner.
J'ai été particulièrement frappé par le traitement infligé aux noirs récalcitrants. Mais comme le rappelle l'auteur du livre, par la pensée du procureur général, tout est bien moins monochrome, qu'on veut bien le croire. L'histoire de l'esclavage est complexe. Des blancs aidaient des noirs et vice versa, des noirs affranchis devenaient à leur tour chasseurs d'esclaves, asservissaient des métis et s'enrichissaient. Les musulmans n'étaient pas non plus en reste, certains avaient exercé les pires sévices... Aïssaoui ne juge pas, ne prend pas position ; il nous livre d'abord des éléments afin d'éclairer notre conscience et de nourrir notre propre réflexion sur l'attitude d'une administration coloniale dans ces contrées françaises d'Outre-Mer, sur l'esprit d'une époque où les propriétaires défendaient sans scrupule leurs intérêts, sur le fonctionnement redoutable d'un système économique où l'homme était finalement considéré comme une marchandise ("un meuble").
L'affaire de l'esclave Furcy est un travail de recherche remarquable, pour une grande et noble cause. Je conseille vivement cette lecture.
L'affaire de l'esclave Furcy est un travail de recherche remarquable, pour une grande et noble cause. Je conseille vivement cette lecture.