jeudi 11 mars 2010

La maîtresse d'école - Marie-Paul Armand

En matière de littérature, la région Nord Pas-de-Calais peut être fière de constituer une mine précieuse et féconde de talents. Citons entre autres Marie-Paul Armand, l'une des plus belles plumes régionales. Romancière du terroir, cette petite-fille de mineur revendique en toute simplicité ce titre parce que, sans manière, elle aime sa région.

Après des études universitaires à la faculté de Lille, Marie-Paul Armand a été enseignante en mathématiques pendant dix ans avant de s'engager définitivement dans la voie de l'écriture, à laquelle elle était destinée. Bien lui en a pris. Ses romans mettent en scène la vie dans cette région, à différentes époques et dans différents milieux. En 1995, après plusieurs ouvrages, elle publie un roman magnifique, La maîtresse d'école, qui confirmera sa renommée dans la France entière.


Pocket, 319 pages

L'histoire s'ouvre sur la France de l'entre-deux-guerres, dans un petit village du Pas-de-Calais, au bord de la mer. Sagement assise dans la classe, la petite Céline, fille de modestes pêcheurs, souhaite embrasser la carrière d'institutrice. L'école est pour elle une merveilleuse révélation. Si ses résultats scolaires et les éloges de sa maîtresse, Mme Fournier, satisfont ses parents, son désir le plus cher est pourtant mal accueilli par ces derniers et son entourage qui ne la comprennent pas. Son frère Aurélien n'envisage pas un instant qu'elle puisse avoir une telle répugnance pour les métiers de la mer et Pierrot, l'élu de son coeur, son matelot, se refuse à épouser plus tard une institutrice qui ne pourra pas rester à la maison pour élever leurs enfants. Céline le sait, elle devra faire un choix difficile entre un grand amour et sa passion pour l'enseignement. Mais elle n'en démord pas ; à l'encontre de sa famille, elle compte bien réaliser son rêve coûte que coûte, "faire l'école", et ce, grâce à sa tante Marceline qui, en femme indépendante, est la seule à la soutenir et à l'aider à poursuivre ses études. Après la guerre, Céline donne le jour à une petite fille, Irène, à qui elle transmet à son tour sa vocation. Les années passent, Irène grandit jusqu'à la fièvre de "mai 1968", elle devient professeur au collège. Les temps ont changé, les mentalités aussi, ses démêlés amoureux lui réservent bien des surprises...

Mon avis : j'ai littéralement dévoré le livre de la première à la dernière page. Si Marie-Paul Armand était lue dans nos écoles, nombreux seraient les enfants à apprécier le goût de la lecture.

Je la remercie d'avoir su admirablement et, avec une douceur infinie, conjuguer le réalisme et l'émotion, toute en retenue, présente tout au long du livre. L'auteur sait faire ressortir les sentiments de ses personnages. Le lecteur sent également à quel point l'auteur est très attachée à ses racines. Marie-Paul Armand en parle avec amour et tendresse.


Le lecteur se laisse emporter par cette belle histoire grâce à un style limpide, très agréable à lire ; une écriture douce, calme et prenante à la fois où le lecteur s'applique au plus près des personnages.

Au-delà de ce beau récit sentimental, l'auteur développe deux thèmes : d'une part les différences d'éducation générationnelles entre la mère et la fille, celles de nos parents et de nos grands-parents ; d'autre part l'évolution de l'école tout au long du XXe siècle, jusqu'à la fin des années 1960 ; cette nostalgie produite par l'école d'autrefois : l'odeur de la craie, le tableau noir, le pupitre et l'encrier ; cette école où, malgré les différences et les difficultés sociales, les enfants maîtrisaient la lecture et l'écriture, redoutaient la dictée, apprenaient par coeur les quatre opérations, connaissaient parfaitement les grandes dates historiques, savaient situer les villes et les fleuves ; cette école enfin où le maître avait encore une autorité naturelle. Une époque décidément révolue...

Cela me rappelle inévitablement quelques souvenirs personnels qui n'échappent pas à une amère constatation : un métier aux illusions perdues, qui a beaucoup et mal évolué, une lente et inexorable dégradation de l'institution tombée sous la coupe des nouveaux théoriciens "pédagogues" qui ont voulu à tout prix dépoussiérer les mécanismes désuets du système scolaire, en simplifiant à outrance, en annihilant la notion d'effort et de l'apprentissage.

Plutôt qu'un long discours de ma part, je dirai simplement que l'auteur nous livre des enseignements de vie, une magnifique leçon d'humilité et de courage.

Madame Marie-Paul Armand, je suis fier que vous soyez de cette région.


Amis lecteurs, je vous enjoins de découvrir ce roman pour lequel j'ai eu un coup de coeur.

7 réactions:

Joelle 12 mars 2010 à 08:39  

Un coup de coeur ... il est donc obligé de le noter :) Surtout que le sujet m'intéresse !

AMAROUCHE 12 mars 2010 à 09:03  

Bonjour !

Un trés trés joli titre je trouve ! Bravo et félicitations notre Maîtresse d'école à l'ancienne version 1952-1955 alors que j'étais élève à cette époque là à l'école primaire publique d'El-Maïn. Je n'avais repris le chemin de l'école qu'en 1957 jusqu'en 1962 du fait des évènements.

Mon blog est http://ala.blog.mongenie.com si tu veux lui rendre visite et me lire comme je te lis à l'instant même.

Larbi dit Ahmed Salah AMAROUCHE

Loizo 14 mars 2010 à 11:26  

@ Joelle : ce livre m'a émerveillé. Je te le conseille vivement. J'attends avec impatience ton billet sur ce livre.

@ Larbi : un grand merci d'être passé sur mon blog. Et c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai découvert le tien, tes articles sont très enrichissants. Longue vie à nos blogs !

Anonyme 21 mars 2010 à 17:07  

le moins que l'on puisse dire c'est que Marie-Paule Armand, native de Leforest -62- de chez moi donc, a touvé depuis quelques décennies déjà le bon créneau pour vivre de sa plume; pour ma part je ne trouve pas que son écriture soit d'un style original,mais ses ouvrages ont le mérite d'inciter les gens à lire et c'est beaucoup.

Mic 2 mars 2011 à 12:21  

OH! un grand merci à toi cher Loizo pour ce très joli billet consacré à une grande dame de la littérature française, j'ai nommé :Marie-Paule Armand.
Tout ce que tu dis dans ta chronique, je le ressens moi-aussi très fort, car étant natif de la région du golf du Morbihan, souvent j'ai entendu les "anciens" parler de l'école et du certificat d'étude. Un examen national que tout le monde passait à l'époque et qui survenait aux beaux jours de juin. Chacun y allait seul ou accompagné par ses parents, à pied, en vélo ou à charrette.A l'époque, le certificat d'étude était "le juge de paix" pour le décrocher, il fallait le potasser longtemps à l'avance et les résultats faisaient ou non la fierté des familles. Je trouve totalement inadmissible que l'on méprise autant ces grands écrivains du terroir, que sont Claude Michelet, Marie-Paule Armand, Christian Signol et pardon pour tous ceux que j'oublie. C'est là que se trouve la vraie force de notre littérature, nos auteurs sont très doués pour raconter ces merveilleuses histoires qui font tout notre patrimoine. Alors, les intellos parisiens bobo, qui n'aiment que le bruit, les odeurs et la fureur, honte à vous, de mépriser ces merveilleux conteurs et de refuser de les présenter dans vos émissions, pourtant ce sont des gens merveilleux! Même si j'adore Paris,il faut savoir que la plupart des gens habitent en Province et goûter la vue d'une plage, d'un champ de pommier ou d'une vallée enneigé est merveilleux pour les yeux et pour notre santé. Au passage,Je tenais à remercier sincèrement l'enseigne France Loisirs, qui fait un travail remarquable dans ce domaine. Encore merci Loizo pour cette si jolie chronique, je vais me promettre dans les prochaines semaines, de lire un peu plus souvent des romans régionaux à l'avenir, j'adore tellement ce genre! amitiés, MIC.

Loizo 5 mars 2011 à 10:55  

Cher Mic, je te remercie pour cet excellent et touchant commentaire. Je suis évidemment de ton avis.
Amitiés.

Yann 16 octobre 2012 à 15:14  

Bonjour Loizo

je viens de lire La maîtresse d'école et cherchant des commentaires, je suis tombé sur ton blog.

J'ai découvert Marie-Paul Armand récemment, en même temps que je faisais connaissance d'une partie de la famille de ma femme dans le Nord (je suis parisien). C'est une région magnifique et attachante que j'aime tendrement, et j'espérais retrouver dans ce livre un peu de cette atmosphère si particulière.
Et je n'ai pas été déçu ! Si on peut lui reprocher peut-être une narration assez linéaire, ce récit n'en est pas moins complètement humain, et c'est ce qui fait sa force. Je te rejoins quand tu parles de douceur et de tendresse, j'imagine que c'est ce qu'a ressenti l'auteur pour ses personnages. Ou comment rendre magnifiques des destinées à la fois simples et fortes, qui s'enracinent dans (ce que j'imagine être) le coeur des gens du Nord.
En même temps, comment rendre mieux compte des différences si évidentes entre les deux moitiés du XXème siècle qu'à travers cette mère et sa fille, si proches et qui pourtant semblent vivre dans deux mondes diamétralement opposés.

Quant à l'école, ayant eu une mère institutrice, cette histoire m'a beaucoup touché par l'évocation de ce si beau métier. Mais je ne serais pas si pessimiste que ça sur l'avenir de l'éducation. Ma fille est en CE2, et s'il est évident que beaucoup de choses ont changé en 50 ans, ça reste un formidable apprentissage de la vie et de notre société. Si Irène avait une fille, peut-être nous raconterait-elle cette histoire.

Je vais bientôt lire La poussière des corons pour me rapprocher un peu plus du bassin minier.
Et j'ai hâte d'en découvrir d'avantage par la suite...

Amicalement

Yann

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