vendredi 4 novembre 2011
samedi 22 octobre 2011
Les Âmes grises - Philippe Claudel
Rédigé par Loizo à 11:00 3 réactions
Libellés : Claudel Phillipe, Littérature française
jeudi 29 septembre 2011
Des gens bien - Marcus Sakey
Mon avis : un roman policier bien construit. Les héros principaux (Tom et Anna) sont très attachants et le lecteur s'y identifie à merveille. On y découvre une palette de personnages intéressants, tant du côté de la police (l'inspecteur Halden notamment) que du côté des criminels.
L'intrigue est haletante, l'écriture est fluide, le rythme soutenu ; le lecteur est accroché dès les premières pages. L'auteur a su mettre en scène avec efficacité cette histoire. Ce livre ne révolutionne pas le genre policier mais il s'agit d'une bonne lecture. A découvrir !
Rédigé par Loizo à 15:35 2 réactions
Libellés : Littérature américaine, Sakey Marcus
vendredi 26 août 2011
Primal - Robin Baker
Robin Baker n'est pas à proprement parler un romancier. Il est d'abord un spécialiste de l'évolution et de la biologie sexuelle, connu dans la communauté scientifique pour ses articles et travaux de recherches sur le comportement et les instincts sexuels des humains et des grands singes.
L'originalité du livre réside dans le fait que l'auteur devient le personnage-clef fictif, s'inspirant de ses propres recherches pour élaborer un roman singulier qui tente de répondre à la question suivante : que peut devenir un groupe d'humains retenus sur une île déserte, sans abri, sans aide extérieure et bientôt sans vêtements, suite à un incendie du campement ?
JC Lattès, 431 pages
En juin 2006, un groupe de neuf jeunes étudiants accompagnés de cinq employés de l'Orwellian University de Manchester partent pour une expédition d'un mois sur une île déserte paradisiaque en plein coeur du Pacifique sud. L'opération est dirigée par le Professeur Raul Lopez-Turner, un explorateur et primatologue de renommée mondiale. Ce projet, préparé de longue date, lui tient particulièrement à coeur. A la fin de la mission scientifique, alors que tous attendent leur retour en Angleterre, on perd leur trace, aucune nouvelle des quatorze voyageurs. L'enquête conclut rapidement à un naufrage sans survivants. Plus d'un an après les faits, un paquebot recueille deux des étudiants, dérivant sur un bateau de fortune, hagards et nus, à plus de deux mille kilomètres de l'île sur laquelle ils auraient dû se trouver. Dans le cadre de son enquête, Robin Baker est choisi pour cosigner le livre qui racontera la version officielle de l'histoire, mais en son for intérieur, il est persuadé que la vérité est bien différente de celle présentée par les survivants et que ces derniers veulent cacher coûte que coûte pour des raisons vraisemblablement peu avouables. Afin de se forger sa propre conviction, Robin fera rapidement la connaissance de Ysan, la seule rescapée, susceptible de lui en raconter davantage. Grâce à ses quelques témoignages et à quelques preuves matérielles, l'auteur décèle des failles et des malaises et, de ces contradictions, prend véritablement conscience des difficultés rencontrés par les étudiants, livrés à eux-même. Il découvre avec effroi ce qui s'est réellement passé sur l'île...
Mon avis : en se posant en tant qu'écrivain, l'auteur nous propose un roman étrange mais finalement convaincant.
Le livre se construit de la manière suivante : la première partie donne le point de vue de la rescapée Ysan, étudiante primatologue laquelle aura une aventure avec le Professeur Lopez-Turner. Agréable à la lecture, cette partie dépeint parfaitement les relations entre les protagonistes en insistant sur le trait de caractère de chacun. La seconde partie, moins intéressante, dissèque les déclarations des survivants pour traquer toutes les allégations posées. L'auteur reprend sa fonction d'universitaire, avance ses théories et construit sa thèse.
Essai de vulgarisation ou sorte d'expérience scientifique, l'histoire, aussi riche en suspense qu'en rebondissements, est dérangeante et effrayante car tout à fait crédible. Si le lecteur veut évidemment savoir ce qui est advenu aux différents personnages, le sujet de Primal est d'abord le comportement humain et en particulier le comportement sexuel. De ce combat pour la survie aux instincts démesurés, tous les rapports humains vont être chamboulés car, sans encadrement, sans autorité, sans lois, dans ces conditions particulières, imaginées par l'auteur (certaines scènes très "anatomiques" sont assez crues et peuvent heurter les âmes sensibles), l'individu n'est plus régi par la plupart des interdits sociaux qui caractérisent une civilisation.
Un roman qui ne laisse pas indifférent et qui nous pousse à réfléchir. Je vous invite à le lire.
Rédigé par Loizo à 19:00 3 réactions
Libellés : Baker Robin, Littérature anglaise
dimanche 3 juillet 2011
Entretien avec un auteur : Aude Alix Manioc
Un jeune étudiant de vingt et ans, originaire de la Caraïbe, arrive sur le continent européen, à Bordeaux, loin des siens, pour suivre un master d'économie à l'université. L'avenir et le monde s'offrent à lui quand, en novembre 1999, une tumeur au cerveau coupe dans son élan celui qui se croit alors invulnérable. Incertain sur sa survie et ses capacités post-opératoires, de la salle de réanimation de l'hôpital de Pellegrin, au centre de rééducation de Gassie, cet apprentissage sévère lui apprend à reconsidérer sa propre existence...
Cette histoire m'a particulièrement touché. Au-delà du sujet sensible du handicap et de la différence, j'ai pu noter une belle plume, une construction et un style limpide qui font de ce premier roman un livre touchant. J'ai voulu savoir comment Alix Manioc avait conçu et écrit ce récit ; il a eu la gentillesse de me répondre au cours du mois de juin. J'espère que cet entretien vous donnera envie de découvrir ce roman.
Comment me présenter ? Je suis né en janvier 1978 à Pointe-à-Pitre, j'ai donc trente-trois ans aujourd'hui. Je suis venu au monde dans une famille recomposée et j'ai assisté à des choses délicates mais pas plus qu'à la moyenne des individus... j'espère ! J'ai été heureux sur mon île et au cours des années que j'ai passé avec ma famille là-bas. Timide dans mon enfance, je doutais de moi, de mes capacités et parlais peu. Aujourd'hui je parle, je parle beaucoup... trop peut-être. Ca me détend, je trouve ainsi le moyen de combler le vide que j'ai la sensation d'avoir en moi. Je dirai simplement que je suis un type normal qui a une vie comme tout le monde mais qui en profite à fond. Je crée les aventures que je raconte. La vie est la plus grande aventure que l'on puisse vivre, alors cessons de nous mettre des bâtons dans les roues et vivons !
Comment en vient-on à se lancer dans l'écriture ? Pourriez-vous expliquer votre cheminement ?
Ecrire a toujours été une passion. Que ce soit des petits mots au collège ou des chroniques plus longues, j'ai toujours aimé l'idée de cocher des sentiments sur le papier. Je n'ai pas vraiment choisi d'écrire ce roman. En fait, cela s'est imposé à moi lorsque j'étais encore dans le centre de rééducation. Je voulais garder une trace de cette aventure pour que je n'oublie rien.
Votre premier roman, comment le définiriez-vous ? "Tout le monde a une vie passionnante, c'est la façon de la voir et de la raconter qui peut la rendre intéressante", que voulez-vous transmettre au monde en général, au lecteur en particulier ?
Lorsque j'étais plus jeune, je trouvais que chaque livre avait une morale ou un message d'espoir à transmettre. J'aimerais que ceux qui liront ce livre se posent la question : "Et moi qu'aurais-je fait ?" Actuellement, je remarque que les gens ne connaissent plus leurs voisins. Il y a un recul important de la notion de coopération et d'entraide. Je ne sais pas si je vais réussir à redonner aux gens cette envie de connaître son voisin mais... on ne peut demander aux gens de faire quelque chose sans le faire soi même. Je me suis exposé dans ce roman mais j'ai aussi voulu exposer ces gens qu'on ne voit jamais et qui sont des héros.
Comment qualifieriez-vous ce héros ?
Ce héros est profondément humain. Il doute, il craque, fait des erreurs mais refuse de laisser la fatalité conduire sa vie.
J'ai constaté que les femmes, à des degrés divers, étaient très présentes dans votre histoire. Quel rapport entretenez-vous avec celles-ci ?
Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais j'ai toujours eu des rapports plus vrais avec les femmes. C'est assez étrange car pour beaucoup, les rapports entre les deux genres sont principalement d'ordre sexuel. J'aime les femmes mais j'apprécie et trouve bénéfique une présence féminine amicale, on s'enrichit de nos différences.
J'ai ressenti une certaine fluidité dans le texte. Avez-vous passé beaucoup de temps à le rédiger ou, au contraire, l'avez-vous écrit dans une certaine douleur ? N'avez-vous pas craint la page blanche ?
J'ai envie de répondre non mais je ne pense pas que ce serait la bonne réponse. J'avais mes études à finaliser en même temps, alors je n'ai pas pu aller aussi vite que je l'aurai souhaité dans les corrections et les retouches. Mais si on considère uniquement la trame principale du roman, alors je peux dire effectivement que cela a été rapide.
Etes-vous partisan d'une écriture du premier jet ou retravaillez-vous beaucoup vos textes ?
Entre les deux (sourire de l'auteur). L'inspiration, l'émotion du premier jet, cela ne se travaille pas. Certes, cela peut être un peu brut et manquer de finesse mais c'est la base du travail recherché : raconter une histoire. Par la suite, il faut impérativement lire, relire et encore relire pour apporter des améliorations. Je dis bien "améliorations" car il ne faut pas changer son idée première.
Pourquoi avoir choisi ce titre : Parenthèses ?
En fait, le titre m'est apparu comme évident lorsque j'écrivais la fin de ce premier épisode. J'avais cherché longtemps un titre mais c'est ce petit mot, quelques lignes avant le point final, qui le résumait le mieux. J'avais le début (le 1er novembre 1999) et la fin (le 31 mars 2000). L'histoire était délimitée mais permettait de comprendre le changement car on voyait un "avant". La fin, elle demeurait ouverte. C'est la raison du point d'interrogation. Nous avons tous des parenthèses dans nos vies mais il est assez marrant de voir que ces intermèdes ne sont jamais réellement clos.
On rit souvent et on est aussi très ému, en particulier la dernière partie qui donne à la fois le ton et toute la force de cette histoire. Il s'en dégage une réelle sensibilité lorsque vous nous parlez de votre voisine de chambre Linda, cette jeune adolescente de 14 ans que vous côtoyez et qui a encore la force et la combativité pour profiter de la vie malgré sa maladie incurable. Je vous cite : "Un grand pouvoir entraîne une grande responsabilité", pouvez-vous expliquer aux lecteurs ce "grand pouvoir"?
Le pouvoir dont je parle est simplement la capacité que l'on a d'être un exemple pour quelqu'un. Je ne dis pas que je suis un exemple... loin de là mais pour tous ceux qui sont morts suite à cette opération délicate, pour les médecins qui m'ont sauvé, je ne peux pas, je ne dois pas abandonner. Des gens ont cru en moi, ont prié pour moi et surtout ont passé du temps à veiller sur moi. Je ne peux pas me permettre de briser leur croyance. L'énergie qu'ils ont investi en moi, le temps qu'ils m'ont accordé, tout cela est un pouvoir. Je ne veux pas trahir mes proches et les gens qui m'aiment. Aussi, c'est une grande responsabilité que de toujours faire au mieux, dans le sens de l'honnêteté envers eux et moi.
Dans votre roman autobiographique, vous faites une distinction importante entre le personnage d'Alix et celui d'Aude. Sont-ils interchangeables ? Sont-ils si différents ?
C'est une question étrange mais je me la pose depuis peu. Qui suis-je aujourd'hui ? Aude ou Alix... Au départ, il s'agissait juste d'une idée pratique pour ne pas laisser les autres se moquer de moi en me disant que j'avais un prénom féminin. Puis, j'ai vu dans cette idée la possibilité d'être tout ce que Aude n'avait pas été. Mais en réalité, Alix est tout simplement Aude... en plus vieux ! Quelquefois on m'appelle Aude, parfois Alix. Mais je ne change pas ce que je suis. Je suis aussi bien habitué à être appelé Aude ou Alix. Le jeu du départ m'a complètement dépassé puisque même mon employeur pense que mon premier prénom est Alix, tout comme ma banque ou l'administration fiscale... Je dirai tout simplement que je suis fier d'être Aude et Alix.
Qu'aimeriez-vous que l'on retienne surtout de votre premier roman ?
J'aimerais que ceux qui lisent ce roman puissent sourire, rire et peut-être pleurer. Je voudrais qu'on retienne mon style et ma façon de raconter. A une époque où la télévision semble éradiquer le livre, j'aimerais que ceux qui lisent cette histoire puissent le comparer à une série télévisuelle !
A ce propos, on constate effectivement qu'à l'heure de l'internet et des téléphones portables, la jeune génération n'est plus trop attirée par la lecture. Qu'en pensez-vous ?
Plutôt que de faire croire que ce n'est pas bien, je vais dire le contraire : c'est très, très, très bien. Pourquoi ? Car celui qui ne lit pas, celui qui tend les mains au ciel pour abreuver son esprit alors, lorsqu'il devra se faire sa propre nourriture, il improvisera en fonction de ce qu'il aime. On a tellement sacralisé le style d'écriture des Hugo, Rabelais et autres, qu'on oublie que, au début, leur propre style n'était pas forcément apprécié. L'écriture, tout comme la cuisine, l'alimentation, doit évoluer. Après, ce n'est qu'une question de technique, de pratique mais si la flamme est là, alors rien ne pourra l'éteindre. Aujourd'hui, on parle de cuisine moléculaire, pourtant celle-ci n'existait pas avant. Tout a été inventé en fonction de goûts et des techniques. L'évolution est dans tous les domaines, même celui de l'écriture. Ce sujet me tient à coeur car moi, le rustre qui lisait des bandes dessinées, je suis maintenant un jeune écrivain. Par conséquent, si la flamme existe, elle brûlera et rien ne pourra l'en empêcher. On peut imiter mais pas créer cette flamme et pour cela que le feu demeure au côté de la lampe... (sourire de l'auteur)
C'est une belle façon de voir les choses ; l'internet est aussi un outil formidable. Depuis quelques années, on voit fleurir une multitude de blogs de lectures qui sont entretenus par des lecteurs passionnés, lesquels émettent des avis sur les livres qu'ils ont lus. Que pensez-vous de ces blogs ?
Encore une fois, je suis un jeune écrivain. Mais je comprends les peurs de certains face aux nouvelles avancées. Que ceux qui aiment les livres s'approprient ces supports pour communiquer leurs envies : comment puis-je leur en vouloir ? Mieux, je suis pour mais je sais que si on n'avait pas nourri Mozart ou Beethoven, certains domaines culturels seraient bien pauvres. Nous devons nous responsabiliser. Laisser libre court à nos élans de liberté sans pour autant imposer nos points de vu aux autres. Car dans ce cas, nous serions à l'origine d'une forme de dictature.
Je ne pense pas qu'il s'agisse de "peurs" mais plutôt l'envie de faire partager ses livres. Les blogs de lectures ont l'avantage de promouvoir à nouveau la lecture. Ils ont d'ailleurs un tel succès que les éditeurs ont été amenés à réagir rapidement. Ces derniers sont à juste titre très attentifs à tous les billets qui vantent ou mettent à mal leurs dernières publications. Les blogs de lectures deviennent une sorte de baromètre critique sur telle ou telle publication. Ne redoutez-vous pas un jour une mauvaise critique de votre roman sur un blog par exemple ? Comment l'interpréteriez-vous ?
Une mauvaise critique ? c'est possible (sourire de l'auteur). Non sérieusement, c'est possible et une mauvaise critique me coulerait probablement. Mais une critique même mauvaise voudrait dire que mon livre a été lu... et ça c'est super ! Je ne suis pas insensible... Je n'aimerais pas une mauvaise critique mais c'est le jeu, non ? Dès lors que j'ai écrit ce livre, que ce livre soit édité, des mauvaises critiques sont possibles. En outre, j'en ai eu de certains lecteurs mais j'ai continué. Car je suis trop têtu pour ne pas essayer de réaliser mes rêves (sourire de l'auteur). J'espère que s'il existe de mauvaises critiques - et forcément il y en aura...-, je souhaite qu'elles soient constructives et me donneront la possibilité de m'améliorer car, encore une fois, je suis un jeune écrivain.
Concernant l'intérêt des éditeurs, ils ont raison ! Les musiciens se servent de ce vecteur, pourquoi par les lecteurs et le marché littéraire ?
Quels sont vos projets d'écriture ? Quel sera le prochain thème de votre roman ?
Les pistes sont nombreuses mais je pense rester dans une veine que j'aime : le roman humain.
Vous voulez dire que vous avez un nouveau roman en préparation ?
J'ai des projets pleins la tête. le plus beau d'entre eux est sans aucun doute "Jour de chance". Mais en dire plus actuellement serait précipité et imprudent. J'aime surprendre les gens et me surprendre...
Envisagez-vous une carrière d'écrivain ?
Une carrière d'écrivain ? Mais qu'est ce que c'est ? J'aime écrire et raconter mais je trouve mon inspiration dans la vie et dans le contact avec autrui. Si je deviens un écrivain derrière un bureau, j'aurai peur de perdre mon lien avec les autres.
Auriez-vous quelques conseils à donner aux jeunes ou aux moins jeunes qui voudraient se lancer dans l'écriture ?
Un jeune écrivain qui voudrait vivre de sa passion devrait savoir trois choses à mon humble avis : la première, écrire ce n'est pas un métier au sens où on l'entend. C'est avant tout une passion, une flamme qui brûle en nous. Ceci est important pour le deuxième point. Si cela ne marche pas, ce n'est pas parce que vous êtes mauvais mais peut-être seriez-vous meilleur à une autre forme d'expression. Enfin, ne vous reposez pas uniquement sur ce secteur à vos débuts. Très souvent, la gloire et la fortune d'un écrivain viennent bien après. Je leur dirai de se diversifier, du moins au début.
Etes-vous un grand lecteur ? Quel genre de lecteur êtes-vous ? Qu'aimez-vous lire ?
Je dois admettre que mes lectures préférées ne sont pas considérées comme de la "grande littérature". Pourtant, je pense que la bande dessinée est une forme littéraire à part entière. Toutefois, je lis aussi des livres plus classiques qui sont nombreux chez moi. Je suis en fin de compte un lecteur qui apprécie les modes d'informations modernes. Ainsi je zappe et je cherche à me faire plaisir en lisant. Tous les sentiments sont importants et je privilégie la bonne humeur et le rire
Quels sont précisément vos auteurs favoris ? Ceux qui vous ont marqué ? Et lisez-vous d'ailleurs des auteurs issus des îles de la Guadeloupe et de la Martinique ?
Ceux qui m'ont le plus marqué sans sans conteste Maryse Condé et Maupassant.
Lisez-vous des auteurs créoles ? pouvez-vous en citer quelques-uns qui vous émeuvent en particulier ?
Je lis bien sûr des auteurs de ces îles. Il y a souvent dans leurs textes une vision et une façon de raconter qui se perpétue encore aujourd'hui. Ces auteurs qui me touchent, il y en a beaucoup... Je ne voudrais pas en vexer certains, je préfère botter en touche !
Pouvez-vous nous donner une phrase qui vous tient à coeur, en créole guadeloupéen ?
Oui, c'est le titre de mon premier chapitre : PATI, PA RIVE, qui signifie partir n'est pas arrivé.
Une lecture récente à nous faire partager ?
Un livre que j'ai lu au salon du livre de Bruxelles : Comme l'oiseau de Philippe Tesseyre. Ce livre m'a happé de la première à la dernière page car il racontait un personnage décalé, étrange mais affreusement bien dans notre monde de fous ; le plus fou n'est pas celui qu'on croit !
Pour conclure cet entretien, quel message souhaiteriez-vous faire passer ?
Ne jamais abandonner !
Je remercie chaleureusement Alix Manioc d'avoir eu la patience et pris le temps de répondre à mes questions.
Rédigé par Loizo à 11:30 5 réactions
Libellés : Entretien avec un auteur, Littérature française, Manioc Aude Alix
lundi 13 juin 2011
Les lieux sombres - Gillian Flynn
Le Livre de poche, 510 pages
Libby Day a une trentaine d'années. Fortement dépressive, quelque peu cleptomane et incapable de se prendre charge, elle est une femme meurtrie. Au début de l'année 1985, alors qu'elle n'était encore qu'une jeune enfant de sept ans, sa mère Patty et ses deux soeurs ont été massacrées. Lors de l'enquête, elle affirme à la police que son frère aîné Ben, adolescent solitaire et complexé, serait en cause. La police la croit et Libby se retrouve à témoigner contre son frère, lequel sera finalement accusé du meurtre sanglant de sa mère et de ses soeurs. Vingt-cinq ans ont passé et voilà qu'un jour Libby rencontre un jeune homme, Lyle, qui va profondément changer sa vie. Membre d'une singulière association, le Kill Club, sorte de cercle regroupant des amateurs d'énigmes policières non résolues, Lyle est convaincu que Ben est innocent. Aussi, il propose à Libby, moyennant rémunération, de revenir sur ses déclarations à charge contre son frère et de rencontrer les protagonistes de sa propre histoire, pour mettre enfin la vérité à jour. Libby accepte du bout des lèvres, elle sait qu'elle n'a guère le choix, elle est à court d'argent et de projets, la vente de son livre racontant son histoire ne fait plus recette. En définitive, il s'agira pour elle de replonger dans ses souvenirs douloureux, de tenter de comprendre son rôle dans cette histoire sordide et de renouer avec ceux qui appartenaient à sa famille : Ben Day, condamné à perpétuité et son père, homme brutal, toujours en manque d'argent...
Mon avis : j'ai toujours affirmé qu'en littérature, l'unanimité n'existe pas. Et c'est bien ainsi. Je réitère cette formule au sujet de ce livre particulièrement long, plus de 500 pages, et horriblement lassant. Je m'y suis fermement ennuyé, forçant même la lecture. Même si je reconnais le sujet intéressant, notamment que la propre victime mène l'enquête, je ne suis pas parvenu à entrer de plein pied dans cette histoire insensée.
Que dire de ce livre ? Tout d'abord, j'y ai noté une pauvreté stylistique surprenante mêlée à de la vulgarité gratuite que je juge inutile au regard du récit. L'auteur brosse le portrait d'une Amérique rurale contemporaine, engluée dans l'alcool, la drogue et le vol..., en accentuant le misérabilisme ; il s'agit en fait de clichés désuets. On est évidemment loin du rêve américain. Mais tout de même !
Ensuite, je n'ai pas apprécié la structure des chapitres, fondée sur un mode qui entremêle le présent (raconté par la victime Libby) et le passé (raconté par les différents personnages du roman) retraçant la chronologie des événements qui ont émaillé la dernière journée précédant le massacre. Une telle ossature, habile au demeurant, ne permettait pas de suivre attentivement la lecture. Certains chapitres manquent beaucoup de consistance. A cela s'ajoutent de nombreuses longueurs.
L'auteur s'applique tant bien que mal aux détails et aux descriptions, s'évertue à installer une ambiance mais le récit perd en intensité et en crédibilité au fil des chapitres. Il n'y a aucun rebondissement et le rythme fait cruellement défaut. Quant au dénouement, il est totalement bâclé.
Pour ma part, je m'attendais à un bon roman noir ; je me suis retrouvé en réalité avec un livre très médiocre, sans aucune action. Il est certain qu'il ne me laissera pas un souvenir impérissable. Ce n'est vraiment pas un livre incontournable.
Rédigé par Loizo à 10:30 4 réactions
Libellés : Flynn Gillian, Littérature américaine, thriller
dimanche 22 mai 2011
Eloge de l'interdit - Gabrielle Rubin
Dans le cadre de la récente sortie de son livre, Eloge de l'interdit, Gabrielle Rubin m'a contacté il y a quelques semaines et m'a demandé si elle pouvait rédiger, sur mon blog, un article consacré à son essai de psychologie traitant de la problématique de l'interdit dans nos sociétés modernes. J'ai accepté naturellement cette proposition. Je la remercie de sa fidélité à mon blog.
C'est donc avec un plaisir non dissimulé que je publie ici, dans son intégralité, la thèse de l'auteur.
Eyrolles, 210 pages
La thèse de l'auteur : l'interdit rend intelligent tout simplement parce qu'il oblige à réfléchir pour inventer de nouveaux moyens pour obtenir ce que l'on désire.
Prenons l'exemple du sport. La sublimation étant la fille de l'interdit et la mère de la créativité, on peut la rencontrer dans les activités humaines les plus diverses ; les interdits qui encadrent une partie du football sont un très bon exemple de la collaboration qui lie la pulsion sexuelle, l'interdit et la créativité esthétique. La pulsion à l'état naturel serait d'utiliser toute la puissance dont dispose un joueur pour mettre le ballon au fond du filet adverse. Et pourtant ce que voit le public et ce qu'il veut voir ce n'est absolument pas une charge furieuse vers l'objet du désir : mettre le ballon (qui est le prolongement du corps réel du sportif mais aussi celui du corps fantasmé du spectateur) dans les buts du camp opposé, c'est-à-dire de dominer l'adversaire alors que l'objectif de ce dernier est, à l'inverse, de les conserver inviolés.
Or si la finalité du jeu est bien celles-là, le désir des spectateurs est aussi de pouvoir admirer la beauté et l'intelligence d'une partie conduite suivant une stratégie et des tactiques savamment élaborées. Car les règles du football sont strictes et strictement appliquées et elles se conforment bien évidemment aux interdits énoncés par la communauté des footballeurs.
Ce que les vrais amateurs savourent tout particulièrement, c'est justement la savante combinaison de stratégie et de tactique qu'emploient les joueurs; dès le début du jeu (et même avant s'ils connaissent bien les choix offensifs et défensifs des équipes) ils peuvent reconnaître la stratégie qu'ont adopté les deux clans et, les plans qui sous tendent les actions de chacun d'entre eux. Mais ils ne sont pas moins attentifs aux actions et aux manoeuvres tactiques de chaque joueur, applaudissant à tout rompre ou protestant suivant la plus ou moins grande qualité de leurs poulains. Ils pardonnent plus volontiers un échec du à la malchance que des erreurs dans le choix de la stratégie ou des tactiques.
Une partie de football est donc le résultat d'une profonde réflexion et si le but est le même que celui qu'emploierait un ignare : propulser le ballon au fond du filet (ce qui serait la voie courte) les moyens d'y parvenir sont radicalement différents : le désir d'accomplissement de la pulsion a été différé, le moyen de la satisfaire a été subtilement pensé et c'est évidemment cela qui peut mener à la victoire c'est-à-dire, en fin de compte, à la satisfaction de la pulsion et du public.
Il ne manque pas de commentateurs qui ont expliqué que cette nécessité de pénétrer le lieu inviolable des adversaires les fait irrésistiblement penser à une possession sexuelle, et que tout le public (ou du moins les supporters du club qui vient de marquer) ressentent à ce moment là une jouissance puis à une détente qui s'apparente à l'orgasme. Mais l'apport du football ne s'arrête pas là, et il n'est pas besoin d'être un connaisseur pour apprécier la beauté du jeu : le spectateur peu averti regarde avec plaisir les évolutions des athlètes car c'est avec une grâce et une légèreté exceptionnelles qu'ils font circuler le ballon sous le nez des adversaires. On a vraiment l'impression de regarder un ballet, mais dont les figures sont à la fois imposées et libres. Dans une partie de foot, en effet, si la stratégie et la tactique sont imposées d'avance, les joueurs ont quand même une importante marge de liberté durant laquelle ils peuvent exprimer leur créativité personnelle.
C'est évidemment cette rigueur pourtant créative qui donne à ce jeu une esthétique comparable à celle des ballets exécutés par des danseurs professionnels.
Les êtres humains connaissent le rôle indispensable de l'interdit, mais ils le ressentent comme un défi, comme une incitation à le dépasser.
Rédigé par Loizo à 11:55 0 réactions
Libellés : Philosophie, Psychologie, Rubin Gabrielle
mercredi 27 avril 2011
Je, François Villon - Jean Teulé
François de Montcorbier naît en 1431 à Paris, dans une période agitée, en proie aux épidémies et à la famine ; la ville est occupée par les Anglais et Jeanne d'Arc meurt la même année, brûlée sur le bûcher. L'avenir du nouveau-né s'annonce bien sombre : son père, condamné pour un menu vol, meurt sur la potence. Six ans plus tard, sa mère est injustement arrêtée, à la suite d'un malentendu et est suppliciée à son tour, sur ordre de Thibault d'Aussigny. A six ans, le petit François est orphelin et est recueilli par Maître Guillaume de Villon, dont il prendra le nom, un chapelain de l'église Saint Benoit de Bétourné situé dans le quartier des universitaires. Le religieux prend soin de lui, l'élève, l'instruit et, en bon tuteur, l'encourage fortement à faire des études dans le but d'en faire un clerc. François reçoit la tonsure, porte la bure et étudie le latin et le grec à l'Université de Paris mais il s'ennuie. Il est surtout doué pour faire l'école buissonnière. Il s'éprend d'une jeune femme de bonne famille, prénommée Isabelle, tout en passant son temps à courir les filles ; il se livre à des blagues de potache, déclame ses premières ballades truculentes et humoristiques auprès de ses amis étudiants, se trouve mêlé à diverses rixes, vole les princes, traîne dans les tavernes les plus sordides, fréquente des prostituées ; bref, François Villon mène une vie de débauche. Sa vie bascule lorsqu'il croise une bande de dangereux et cruels brigands, les "coquillards". Le jeune homme est prêt à tout pour intégrer le groupe...
Mon avis : en retraçant la vie de François Villon, Teulé nous plonge dans un monde sordide où règnent la misère, la cruauté, les viols et vices, bien loin de la poésie, où la dignité humaine n'avait aucune valeur. Aucune morale n'était permise. Il n'était pas simple de vivre en ces temps très anciens, la justice y était expéditive et approximative, aux châtiments totalement disproportionnés.
Jean Teulé s'est formidablement documenté pour restituer non seulement le personnage mais surtout la rudesse d'une époque, celle d'un système féodal moribond. Le texte est émaillé de poèmes et d'anecdotes qui sont rattachés à la personne singulière de Villon et l'on saisit pourquoi ce poète maudit de l'extrême utilise la poésie comme une arme pour mieux se faire entendre dans un contexte moyenâgeux si violent.
Malgré certaines scènes très glauques, l'histoire se lit avec une facilité déconcertante, il n'y a pas de temps mort, les chapitres sont courts, le rythme est vif, la plume envoûtante. Le lecteur assiste à la déchéance volontaire de Villon.
On pourra toujours s'interroger sur le réel degré de vérité historique et biographique et y voir une vision partisane de sa vie dissolue et presque sans humanité. De nombreuses questions demeurent mais l'auteur choisit de ne pas y répondre, s'attachant à l'aspect mythique du poète.
Entre effroi et dégoût, on reste pourtant fasciné par ce personnage instable et bouillonnant de vie.
Le poète a vécu trente-deux années intenses. En 1463, après une énième incartade, il est banni de Paris. Il n'existe plus aucune trace de lui. Sa disparition énigmatique a contribué à sa légende.
Pour tous ceux qui ont étudié ses poèmes à l'école, c'est un personnage que je vous invite à (re-)découvrir.
Rédigé par Loizo à 10:30 5 réactions
Libellés : Littérature française, Roman biographique, Teulé Jean
vendredi 15 avril 2011
Vidocq - Michel Peyramaure
Parmi ses romans, l'on peut distinguer notamment une série de portraits intitulée Les trois bandits, trilogie consacrée aux brigands célèbres : Cartouche, Mandrin et Vidocq (publiés entre 2006 et 2007). C'est le dernier tome que je vais vous présenter aujourd'hui.
Robert Laffont, 378 pages
Rares sont les destins aussi extraordinaires que celui d'Eugène-François Vidocq. Ce personnage hors du commun, tant par son physique que par sa vie aventureuse, à qui l'on reprochera toute sa vie d'avoir été un bagnard, a aussi bien inspiré de célèbres écrivains tels Victor Hugo ou Honoré de Balzac, qu'alimenté le cinéma et la télévision. François Vidocq est né le 23 juillet 1775 à Arras, dans le Pas-de-Calais. Fils de Nicolas Vidocq, maître boulanger et d'Henriette Dion, il n'est pas prêt à reprendre le travail harassant de son père ; échappant à son autorité et en compagnie de son frère Ghislain, il entre de bonne heure dans la petite délinquance, avec une surprenante précocité et des dons incontestables. Adolescent batailleur, il débute par quelques larcins dans la maison paternelle, lesquels grossissent très vite jusqu'au détournement osé de deux mille francs à son père. Il s'enfuit du domicile familial. Pour échapper à la police, il s'engage dans l'armée révolutionnaire avant de déserter. Voleur et escroc, il est condamné aux travaux forcés à l'âge de 22 ans. Conduit au bagne de Brest, il s'évade avant d'être à nouveau arrêté en 1799 et conduit au bagne de Toulon, d'où il réussit une énième évasion qui lui vaudra cette fois la notoriété et le respect du milieu. Il décide de s'implanter à Paris mais la vie lui est très difficile ; acculé, il prend le parti d'aller offrir son concours à la police parisienne, sous la seule condition de finir sa peine dans la maison de force qu'on voudrait lui désigner. Indicateur au départ, il devient un collaborateur si efficace que le préfet le nomme en 1810 à la tête d'une nouvelle brigade de sûreté, composée exclusivement de condamnés libérés, soucieux de se racheter une nouvelle conduite. Cette entreprise très controversée consistera à infiltrer les crapules afin de mieux les cerner et déjouer leurs méfaits. Vidocq saura sans difficulté se complaire dans la ruse et dans l'art d'astucieux déguisements. Cette méthode innovante se révélera prometteuse et pleine de succès, pour quelques temps...
Mon avis : écrivain et historien de qualité, Michel Peyramaure est avant tout un formidable conteur qui parvient à faire transporter le lecteur dans sa propre imagination. Le roman restitue pleinement le personnage dans son histoire réelle.
Outre la vie incroyable de Vidocq, le roman est un témoignage fort intéressant sur la police et les moeurs criminels du XIXe siècle.
François Vidocq est digne d'un personnage de roman. Jeune homme à tendance impulsive, il est surtout épris de liberté, il aime les femmes et les duels. Il tombera entre les mains de la justice pour des petits délits qui vont cependant entacher durablement sa réputation. Ses ennemis sont partout : dans la pègre mais aussi au sein du pouvoir. Cela ne l'empêche pas d'être enthousiaste des nouveaux gouvernements, qu'il s'agisse du Consulat, de la Restauration ou de la Deuxième République (1848-1852). Il sera néanmoins très critique envers le régime du Second Empire et Napoléon III.
François Vidocq meurt en 1857, âgé de quatre-vingt-deux ans. Escroc, forçat puis infiltré, il bouleversera, avec un talent certain, la brigade de Sûreté de Paris avant de se mettre à son propre compte en créant en 1833 la première agence française de détectives privés.
Ne souhaitant pas vous en dévoiler davantage, je vous recommande cette très belle découverte littéraire et biographique.
Rédigé par Loizo à 18:30 0 réactions
Libellés : Peyramaure Michel, Roman historique
mardi 29 mars 2011
Train d'enfer pour Ange rouge - Franck Thilliez
Le commissaire Franck Sharko vit dans la région parisienne et cela fait maintenant six mois qu'il n'a plus de nouvelles de sa femme Suzanne, disparue un soir, alors qu'elle rentrait de son travail. Il ne lui reste d'elle qu'une épingle à cheveux, retrouvée dans le parking de leur domicile. Il n'a de cesse de se remémorer les bons et les mauvais souvenirs. Il la recherche toujours dans l'espoir secret de la retrouver en vie. Il tente malgré tout de survivre à son absence, et s'accroche tant bien que mal à son travail pour ne pas sombrer dans la folie. Avant même de reprendre son service, l'avant dernier jour de ses congés, son supérieur, le commissaire divisionnaire Leclerc, lui intime l'ordre de retourner à la P.J., au 36 quai des Orfèvres à Paris, après la découverte du cadavre d'une femme. Assisté de son bras-droit, le lieutenant Sibersky, Franck Sharko se rend sur le lieu du meurtre et se trouve confronté à une scène atroce : le corps de Martine Prieur, jeune veuve de trente-cinq ans, est retrouvée suspendue dans sa chambre, grâce à un système complexe de cordes, de poulies et de crochets enfoncés directement dans la chair, dans une posture quasi religieuse ; la pauvre femme a été torturée, suppliciée, démembrée, sa tête décapitée et posée sur un plateau face à sa dépouille. Sharko et son équipe n'ont jamais vu une telle sauvagerie, ils en sont terriblement éprouvés. Une première analyse fait apparaître un tueur d'une froideur exceptionnelle, un tueur qui met en scène ses crimes d'une manière barbare et sophistiquée. Il n'y a aucune précipitation et surtout, le tueur ne viole pas, son "plaisir" consistant avant tout à faire souffrir aussi longtemps que possible ses victimes. Nul doute qu'il s'agisse d'un grand psychopathe. Plus tard, par l'intermédiaire d'un courriel, le commissaire Sharko entre en contact avec le tueur...
Mon avis : c'est la première fois que je lis cet auteur. Il s'agit d'un thriller assez palpitant et bien rythmé. L'intrigue est relativement cohérente, l'ambiance est angoissante. Notre commissaire Sharko est crédible et très attachant.
Franck Thilliez fait preuve d'une grande ingéniosité au niveau de l'histoire et montre une fascination pour l'investigation scientifique de la police. Il nous plonge dans un univers sombre et effrayant, celui représentant les bas-fonds du sadomasochisme, ces milieux qui ont pignon sur rue à Paris. Les scènes se déroulent principalement dans la capitale mais l'auteur nous entraîne également dans quelques villes du Nord Pas-de-Calais : Lille, Le Touquet...
Thilliez sait aussi ménager le lecteur, en glissant un peu de décontraction et d'humour, dans des dialogues parfois très drôles, entre policiers notamment, parmi les scènes plus tendues.
D'autres personnages importants gravitent évidemment autour de Frank Sharko : d'abord, Thomas Serpetti, son grand ami, un as de l'informatique, va être d'une grande utilité dans le déroulement de l'enquête (d'où l'usage de nombreux termes techniques ; n'oublions pas que Thilliez est informaticien de profession). Ses collègues, les lieutenants Syberski et Crombez. Ensuite, Elisabeth Williams, la psychocriminologue renommée, femme à l'autorité naturelle, donne des conférences auprès de la police et de la gendarmerie. Grâce à ses analyses poussées et précises, elle s'aperçoit vite que le tueur est un assassin hors du commun. Doudou Camélia, la voisine de palier de Sharko : cette vieille Guyanaise, octogénaire, possède un don de voyance. Elle lui confie sa certitude que Suzanne est toujours en vie et pressent que le Mal tourne autour du commissaire, sans pourtant connaître l'identité de cet homme sans visage. Enfin bien sûr, Suzanne, la femme du commissaire disparue de façon inexpliquée.
Pour ma part, ce livre m'a convaincu à moitié. J'ai deux réserves à l'égard de ce livre : la première est la plus évidente à mes yeux : le goût particulièrement morbide de l'auteur : les passages sanglants et sordides, l'autopsie circonstanciée de la première victime peuvent rendre la lecture difficile et en décourager plus d'un. Thilliez ne nous épargne aucun détail. Âmes sensibles, s'abstenir ! L'on peut en effet s'interroger sur le bien-fondé de ces descriptions de scènes de torture, elles sont d'une violence inouïe, d'une cruauté insoutenable. Certains lecteurs penseront au contraire qu'il n'existe aucun voyeurisme malsain car l'ouvrage réside principalement dans les interrogations sur la souffrance et le mal. Ces descriptions sont-elle vraiment nécessaires à la bonne compréhension de l'histoire ? Je reste persuadé que l'auteur aurait pu se passer de ces scènes inhumaines. La seconde réserve concerne le dénouement, assez médiocre et peu original, notamment le coup de génie miraculeux du commissaire que je juge quelque peu ridicule. La conclusion est trop prévisible et finalement bâclée. Une impression de déjà vu en réalité. On découvre ainsi très vite le nom du meurtrier. Je regrette d'ailleurs que le titre du livre soit si évocateur ; il nous dévoile le nom de l'assassin. Mauvais titre s'il en est. C'est fort dommage.
En résumé, ce thriller garde toute son efficacité - ce n'est certainement pas le meilleur du genre - en tout cas, une lecture très éprouvante, réservée à un public plus qu'averti.
Rédigé par Loizo à 10:20 4 réactions
Libellés : Policier, Thilliez Franck, thriller
samedi 19 mars 2011
Madame Bâ - Erik Orsenna
Je me penche aujourd'hui sur l'un de ses romans, Madame Bâ, publié en 2003. Cette histoire se déroule en Afrique, continent que connaît bien l'auteur.
Le Livre de Poche, 503 pages
Mon avis : Erik Orsenna brosse le portrait d'une Afrique bercée par ses espérances, habitée par ses rêves brisés. C'est une Afrique chambardée mais tellement généreuse et inventive. Le lecteur le ressent.
Le procédé utilisé par l'auteur est original : la narratrice (Madame Bâ) retrace son histoire, en reprenant et en développant point par point les questions du formulaire administratif, le fameux 13--0021. Ce fac-similé austère est ainsi l'occasion pour elle de retracer son histoire familiale et avec elle l'histoire du Mali ; elle revient sur son passé, ses origines, sa jeunesse ; s'interroge sur sa vie, son identité ; elle nous relate des anecdotes qui ont émaillé sa jeunesse et nous livre aussi ses réflexions, tantôt avec gravité, tantôt avec humour.
Madame Bâ expose son discours sans fausse pudeur et fustige le sport de l'Afrique, le football, "cette activité épuisante et sans espoir" qui a ravi son petit-fils et de confirmer son opinion : "le football est un divertissement de manchots fainéants. (...) Une majorité de paresseux, les mains sur les hanches, contemplent l'activité frénétique de quelques camarades."
J'ai été enthousiasmé par ce roman, le récit tient en haleine malgré quelques longueurs. C'est un très beau livre, plein de sagesse, que je vous recommande.
Rédigé par Loizo à 10:30 0 réactions
Libellés : Littérature française, Orsenna Erik
vendredi 4 mars 2011
L'Abyssin - Jean Christophe Rufin
Il reçoit en 1997 le Prix Goncourt du premier roman et le Prix Méditerranée, avec l'Abyssin, roman historique et d'aventure par excellence.
Folio,699 pages
Jean-Baptiste Poncet, jeune médecin de vingt-huit ans, est apothicaire renommé au Caire, en compagnie de son associé Maître Jurémi. Un jour, il rencontre Alix, la fille de M. de Maillet, consul de France, dont il tombe éperdument amoureux. A son grand désespoir, celle-ci ne peut être accessible pour quelqu'un de son rang. Pourtant la providence lui sourit bientôt ; le consul lui demande de prendre la direction d'une ambassade dans la région de l'Abyssinie (Empire d'Ethiopie). En cette fin du XVIIe siècle, pour étendre son pouvoir, le roi-Soleil Louis XIV souhaite en effet entrer en contact avec le plus mythique des souverains d'orient, l'empereur d'Ethiopie, le Négus d'Abyssinie. Jean-Baptiste accepte cette mission délicate tout en voyant aussi un moyen d'acquérir la noblesse qui doit lui permettre d'épouser la fille du consul à son retour. C'est une chance extraordinaire pour cet homme qui rêve de voyage et d'amour. Il commence alors un magnifique et trépidant voyage initiatique, sur la route des épices, découvrant les belles et séduisantes contrées de l'Egypte et les montagnes de l'Ethiopie. Mais au gré de cette aventure palpitante cernée de rebondissements, Poncet prend conscience que la région est l'objet de la convoitise de nombreux groupes religieux ; il déjoue avec une intelligence brillante de nombreux pièges, notamment celui d'appartenir aux Jésuites ou aux Capucins. Libre-penseur, épris de liberté, Poncet décide alors de tout faire pour préserver l'authenticité de l'Ethiopie...
Mon avis : il s'agit indéniablement d'un excellent roman, le résultat est d'une grande qualité littéraire. Rufin a su dépeindre avec talent et beaucoup d'aisance l'atmosphère orientale, les fragrances et les couleurs. Les personnages sont superbes et sympathiques, le rythme est époustouflant. Le style et l'écriture sont évidemment de qualité, des mots judicieusement choisis, accompagnés d'un souci du détail historique.
Au-delà de cette magnifique histoire, simple et efficace, l'auteur nous invite à réfléchir sur l'intolérance sous toutes ses formes (religieuses notamment), des idées finalement bien contemporaines. Rufin plaide en faveur de l'humanisme et du bonheur et, nous expose une belle leçon d'émancipation féminine.
Au demeurant, ce roman pourrait paraître long (700 pages) pour un lecteur peu habitué mais Rufin sait nous emporter rapidement de sorte que nous sommes maintenus avec beaucoup de plaisir dans cette formidable intrigue.
Si vous vous délectez de ces romans mêlant aventure et voyage, je ne puis que vous le recommander. A lire sans hésitation !
Rédigé par Loizo à 18:30 4 réactions
Libellés : Aventure, Roman historique, Rufin Jean-Christophe
dimanche 20 février 2011
183 jours dans la barbarie ordinaire - Marion Bergeron
Je vous présente 183 jours dans la barbarie ordinaire - en CDD chez Pôle emploi.
Peut-être l'avez-vous aperçue et écoutée au cours d'une émission de télévision, d'un débat ? Marion Bergeron, jeune femme de 25 ans et graphiste de son état a publié un livre - témoignage relatant sa courte expérience professionnelle dans une administration française : Pôle Emploi, nouvel organisme tristement célèbre, créé en décembre 2008, issu de la fusion des anciennes ANPE et ASSEDIC, qui se charge de l'indemnisation et du conseil des chômeurs.
Plon, 210 pages
A l'image de la jeunesse française, cette jeune femme enthousiaste, pleine d'énergie et de motivation prend rapidement conscience que trouver du travail est une véritable gageure. Alors que la crise économique explose en cette année 2009 et contrainte de composer entre son projet professionnel et le règlement de son loyer, Marion Bergeron postule, sans trop y croire, chez Pôle Emploi à Paris. Après un entretien éclair, la voilà recrutée, sans expérience dans le domaine de l'insertion, pour un contrat de six mois en CDD. En franchissant la porte de cette administration, il ne faut pas plus d'une journée à Marion pour comprendre qu'elle est entrée dans un monde à part. Un monde où les chômeurs sont des matricules, où les abréviations sont la règle (ZTT, DE, ZLA...), un monde où le management du chiffre fait autorité. Marion entre dans la cage aux lions, apprend sur le tas, découvre beaucoup, observe l'envers du décor et les rouages peu flatteurs de cette usine à gaz : création de faux rendez-vous avec les chômeurs, réduction des durées d'entretien, radiations hasardeuses, broyage des sans-emplois privés de reconnaissance, augmentation des performances de l'agence...
Mon avis : S'il s'agit évidemment d'un témoignage qui n'engage que son auteur, le livre a le mérite de nous interroger sur le fonctionnement et l'utilité d'une telle "institution", laquelle coûte chère à la collectivité.
La narratrice raconte sans ambages ses six mois de travail précaire et nous expose une réalité crue, de souffrance, de désespoir et d'illusions. Trois adjectifs peuvent résumer la situation : édifiant, dérangeant et terrifiant à la fois ; l'auteur ne cache rien de ses ressentis, elle se met à nu, raconte une certaine violence de la misère et nous livre sa descente aux enfers.
Par son humour corrosif, par son style incisif et sans concessions, par son regard aiguisé sur les incohérences absurdes de cette machine administrative, l'auteur a su me captiver. Si vous avez l'occasion de le lire, certains d'entre vous ne partageront pas forcément cet avis et y verront sans doute, au premier abord, une critique facile et superficielle.
En réalité, n'y verrait-on pas finalement un système à la dérive, un naufrage clairement annoncé ?
Je ne répondrai pas à cette question, je vous laisse juge. Quoi qu'il en soit, ce témoignage ne laisse pas indifférent.
Rédigé par Loizo à 11:30 0 réactions
Libellés : Bergeron Marion, Témoignage
mardi 25 janvier 2011
Seul le silence - Roger Jon Ellory
Il s'agit du premier roman (titre original A quiet Belief in Angels) de l'Anglais Roger Jon Ellory, à avoir été traduit en France en 2008, par les éditions Sonatine, puis réédité en livre de poche en 2009. L'auteur est né en 1965 à Birmingham.
Le Livre de poche, 602 pages
Mon avis : Ellory nous impressionne beaucoup pour ses descriptions qui plongent le lecteur dans une atmosphère bien particulière. Et ce n'est pas tout. Son talent va de pair avec la description de ses personnages, si touchants ; le premier d'entre eux : Joseph Vaughan. Autour de lui gravitent d'autres personnages et ils sont nombreux ceux auxquels on s'attache : ses copains d'enfance "les Anges gardiens" groupe pour protéger les petites filles, mademoiselle Alexandra Webber son institutrice, Elena sa voisine et amie d'enfance...
Le lecteur est en totale empathie avec le "héros" de cette histoire ainsi que les autres personnages. L'intrigue est d'une efficacité rare.
Seul le silence est bien plus qu'un "thriller", c'est un chef d'oeuvre littéraire - on peut au passage saluer l'excellente traduction de Fabrice Pointeau - un roman noir dense, poignant, à l'intensité palpable, déployant une qualité d'écriture magnifique qui fait appel aux sentiments du lecteur, lequel s'abandonne corps et âme à accompagner Joseph tout au long de sa vie.
Vous l'aurez compris, il s'agit d'un coup de coeur, que je vous recommande.
Rédigé par Loizo à 17:35 5 réactions
Libellés : Ellory Roger Jon, Littérature anglaise
lundi 3 janvier 2011
Bilan de l'année 2010
Chères lectrices, chers lecteurs, amis blogueurs,
Janvier est déjà là, l'hiver se poursuit (hélas...) avec son avalanche de "nouveautés" (pas forcément réjouissantes...) Les bilans fleurissent sur les blogs. Avant de laisser la place à d'autres livres cette années, voici donc venu le temps de dresser mon bilan livresque de l'année écoulée ; il ne s'agit pas forcément de livres parus en 2010. Nos hirondelles ont tenté, une fois n'est pas coutume, de vous faire partager de nouveaux horizons de lectures.
L'année 2010 a été aussi mon premier défi dans la blogosphère littéraire. Le challenge intitulé la littérature policière sur les cinq continents, organisé par Catherine dont le but était de lire un polar d'un auteur de chaque continent. Je n'ai malheureusement pas tenu mes engagements, faute de temps et d'énergie au cours du dernier trimestre. Le résultat obtenu : 2 livres lus sur 5 (roman européen et africain). Une note très moyenne...
Pour conclure, je rappelle que le blog, aussi modeste soit-il, a fait l'objet d'une nouvelle présentation depuis septembre et connaîtra encore dans les prochains mois quelques ajustements.
Je remercie mes fidèles lectrices et lecteurs, anonymes ou non, de prendre le temps de lire mes billets, sans oublier tous ceux qui laissent de précieux commentaires. Cela est toujours très encourageant.
Excellente année à tous et bonnes lectures !
Mes véritables coups de coeur :
1) Le Meunier hurlant, Arto Paasilinna
2) La maîtresse d'école, Marie-Paul Armand
3) Meurtres pour rédemption, Karine Giebel
4) Echo, Ingrid Desjours
5) La onzième plaie, Aurélien Molas
Mon coup de griffes : le livre que j'ai trouvé particulièrement décevant :
Le pic du diable, Deon Meyer
Rédigé par Loizo à 20:05 3 réactions
Libellés : Vie du blog